lundi 2 avril 2007

Réflexions sur Huysmans et Lovecraft




C'est avec Huysmans qu'apparaît dans le style le danger d'une exploration artistique naturaliste, c'est-à-dire "scientifique". Avec À rebours, En rade, puis Là-bas, l'étude documentée du sujet littéraire n'est plus porteuse d'un savoir salvateur, mais bien de malaise, d'étrangeté, puis d'horreur (rappelons le plongeon dans l'occulte de Là-bas). Qui saurait se surprendre, dès lors, du sursaut spirituel de Huysmans? Placé devant l'échec de la voie terrestre, de la lumineuse autoroute scientifique, posé devant les insanités révélées par l'éprouvette, il ne pouvait que se jeter dans la nue, revendiquer cette célèbre "voie dans le ciel" lui permettant de ne pas sombrer dans la folie (Et Barbey D'Aurevilly avait bien raison...).


Lovecraft reprend le constat huysmanien (n'en était-il pas d'ailleurs un fervent admirateur?). Mais, à ce point de rupture où Huysmans a choisi la voie céleste, a décroché, Lovecraft se tient ferme et poursuit la réflexion. Il refuse le salut divin; Lovecraft c'est Huysmans demeuré athée. Et c'est là que naît la véritable horreur matérialiste, non plus seulement abordée dans le style, dans l'esthétique, mais davantage encore dans le fond : ici, la science est clairement source de monstruosité, non plus seulement dans l'approche, le traitement qu'elle permet, mais aussi dans les découvertes et les justifications qu'elle apporte.


Matière à réflexion: il me semble que Huysmans appliquait la méthode scientifique jusqu'à trouver l'horreur - Lovecraft trouve l'horreur puis la justifie scientifiquement, explique sa possibilité et sa réalité par la science. Lovecraft, c'est l'écrivain post-scientiste. Là où Huysmans a rebroussé chemin, voyant les dangers de cette lunette, Lovecraft n'en questionne plus même la validité - c'est un acquis irréfragable. Mais qui donc a fait le pas, le pont, entre l'avant et l'après?


Enfin, bref: soulignons simplement que Lovecraft est tributaire du cheminement huysmanien, et qu'il le poursuit sous deux angles neufs : le refus de Dieu (mais pas des dieux) et le scientisme de fond , non plus seulement de forme.

1 commentaire:

Félix a dit...

très intéressant !